Présenté dans le cadre de la sélection Cannes Classics 2023, le documentaire "Chambre 999" de Lubna Playoust donne une suite au "Chambre 666" de Wim Wenders. Avec de nouveaux visages, et de nouvelles réponses.
En 1982, durant le Festival de Cannes, Wim Wenders réalisait Chambre 666. Ce documentaire méconnu reposait sur un dispositif très cadré : une pièce unique (la chambre d’un grand hôtel cannois), une caméra fixe, un interviewé et quelques minutes pour répondre à une question “Le cinéma est-il un langage en train de se perdre, un art qui va mourir ?”.
Jean-Luc Godard, Werner Herzog, Michelangelo Antonioni ou un jeune Steven Spielberg, entre autres, figuraient parmi les seize cinéastes confrontés à cette réflexion sur leur art alors que l’émergence du home-entertainment interrogeait l’avenir du cinéma en salles. (voir un extrait sur INA.fr)
Quarante ans plus tard, pour son premier long métrage, Lubna Playoust reprend la même approche et le même dispositif avec Chambre 999, et confronte trente cinéastes invité·e·s dans le cadre du Festival de Cannes 2022 à la même question alors que le 7e Art doit désormais faire face aux plateformes de streaming, à l’omniprésence des images, aux réseaux sociaux et à un monde digital saturé de contenus.
Chambre 666
Sortie :
6 mai 2008
|
0h 45min
De
Wim Wenders
Avec
Wim Wenders,
Michelangelo Antonioni,
Rainer Werner Fassbinder
Spectateurs
3,1
Voir sur Universciné
“Je me demande si on innove encore vraiment aujourd’hui, dans le langage et dans la forme ?”, explique t-elle dans le dossier de presse. “Je savais qu’il faudrait un jour réinstaller le dispositif et poser à nouveau la question posée par Wim Wenders. Et puis il y a eu une sorte de momentum pour Cannes 2022. On n’arrêtait pas d’entendre parler de la mort du cinéma. Le film avait été tourné pile 40 ans plus tôt. Et pour donner encore plus de sens, il avait été tourné l’année de ma naissance. Dès que j’ai raconté l’idée à Rosalie Varda, la productrice du film, et que mk2 et le festival de Cannes ont donné leur accord, on a organisé le tournage en deux semaines. C’était comme un alignement, une évidence, c’était le moment de le faire.”
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“Le cinéma est-il un langage en train de se perdre, un art qui va mourir ?” Face à cette question, les réponses sont passionnantes, tantôt artistiques, tantôt économiques, tantôt philosophiques (“Le cinéma n’arrête pas de mourir et c’est le sens de sa vie” lance Arnaud Desplechin). Wim Wenders, qui se prête à l’exercice et apparaît plutôt pessimiste sur l’avenir de son art, rappelle que le cinéma est né d’une attraction de fête foraine et qu’il y retourne, même si la foire est désormais “virtuelle, aléatoire, arbitraire et anonyme”.
Audrey Diwan s’interroge, elle, sur la narration dans un monde de satisfaction de plus en plus courte et immédiate. Alice Winocour sur la standardisation. Ruben Ostlünd, Président du Jury à Cannes cette année, va dans son sens, en faisant part de son inquiétude vis à vis de la concentration des moyens de diffusion à travers une métaphore comparant les algorithmes des plateformes à des hôtels all inclusive où tout finit par avoir le même goût tout en persuadant l’utilisateur de la qualité de l’ensemble.
Chambre 999
De
Lubna Playoust
Avec
Rebecca Zlotowski,
James Gray,
Audrey Diwan
Il y a aussi les optimistes, comme David Cronenberg (“Je ne crains pas pour l’avenir du cinéma, même si ce sera une version transformée et évoluée du cinéma. Mais ça restera du cinéma.”). Ninja Thyberg qui évoque la nécessité de maîtriser le langage du grand public pour ne plus s’intéresser seulement aux festivals et à l’élite culturelle. Ou Alice Rorwacher qui rappelle que le cinéma est finalement le seul art à pouvoir répondre à nos besoins de collectif, de regard, de poésie et de perte de contrôle.
Quant à la Canadienne Monia Chokri, elle interroge un sujet épineux mais essentiel en appelant à repenser le lieu et le prix. “C’est devenu une sortie de riches, et je n’ai pas envie de faire du cinéma pour les riches” lance t-elle dans le documentaire. Avant de poursuivre la conversation en public cet après-midi à Cannes avec Audrey Diwan, Albert Serra et Lubna Playoust, à l’initiative de Thierry Frémaux, afin de “prolonger l’écho des questions qu’il suscite”.
Assurément, Chambre 666 et Chambre 999 lancent des questionnements, provoquent des conversations, et devraient alimenter les réflexions des cinéastes, cinéphiles et étudiants en cinéma pour quelques temps encore. “Chambre 666 ne donne pas de réponse définitive, le film essaie de faire un état de la situation à travers les points de vue de différents cinéastes”, analyse Lubna Playoust. “Pour moi, ce qui est essentiel, c’est qu’il réside toujours une question, qui est là, et qu’elle soit posée à nouveau 40 ans plus tard et, pourquoi pas, dans 40 ans. Le film de Wim Wenders et Chambre 999 ne parlent pas que du cinéma mais bien du monde dans lequel on vit”.
Chambre 999 n’a pas encore de date de sortie en salles.