130 millions de dollars pour rien : ce film avec une star de James Bond devait égaler Avatar, il a été balancé à la poubelle

Des films dont la sortie en salle a été annulée, cela arrive malheureusement, pour diverses raisons. Mais l'exemple de "Empire of The Deep", né de l'imaginaire débordant d'un magnat chinois de l'immobilier, est ahurissant…

La destinée d’une œuvre cinématographique n’est pas toujours, loin s’en faut, un long fleuve tranquille, en paraphrasant un peu facilement le titre du film d’Etienne Chatiliez.

L’Histoire du cinéma est ainsi jalonnée d’exemples de films qui, pour des raisons très diverses, n’ont pas pu trouver le chemin des salles obscures : production chaotique, procès, cruelle rencontre avec l’actualité torpillant de facto toute la stratégie marketing bâtie autour de l’œuvre… Ce ne sont pas les raisons qui manquent.

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Et puis il y a le cas un peu à part, mais ahurissant, d’Empire of The Deep. A la base, c’était le rêve caressé par Jon Jiang, un richissime magnat chinois de l’immobilier.

Subjugué par le film Avatar de James Cameron et son usage de la 3D, pourquoi ne pourrait-on pas produire en Chine un film dont les ambitions visuelles et narratives seraient au moins équivalentes au mètre étalon de Cameron, voire la saga du Seigneur des anneaux de Peter Jackson, que le promoteur immobilier adore ?

A condition bien entendu de s’en donner les moyens. Et, de ce côté-là, Jiang est prêt à mettre jusqu’à 130 millions de dollars sur la table. Quitte à caresser un rêve, autant voir grand : le film ne devait pas seulement être destiné au marché chinois, mais bien rayonner dans les salles du monde entier.

Se voyant comme un scénariste à ses heures perdues, écrivant même des histoires de fantasy et de science-fiction, Jiang a une imagination débordante. Ecrivant lui-même le récit de Empire of The Deep, il estime avoir suffisamment de matière pour faire non pas un mais carrément trois films.

Initialement baptisée Mermaid Island, l’histoire se déroule au temps de la Grèce Antique, où une reine sirène cherche à sauver son père et accessoirement son royaume sous-marin.

Une équipe internationale

Un passionnant article publié par le site atavist a longuement raconté les coulisses absolument chaotiques de la production du film. Censée être une coproduction sino-américaine, il faut attirer des noms qui résonnent à l’international. Comme celui d’Irvin Kershner, qui n’est autre que le réalisateur de L’Empire contre-attaque.

Il estime que l’idée originale de Jiang d’un film sur un ancien royaume de sirènes ne fonctionnera pas pour un public occidental plus large. Il propose plutôt à Jiang un récit de science-fiction moderne dans lequel un groupe d’individus tombe accidentellement sur un royaume sous-marin. Mais Jiang refuse l’idée, ce qui entraîne le départ de Kershner.

Pas moins de quatre réalisateurs se succèderont : Jonathan Lawrence, Michael French et Scott Miller, ainsi que le frenchy Pitof. Dès le début, quelque chose cloche pourtant, comme l’a raconté Jonathan Lawrence lorsqu’il a commencé à faire les prises de vue en janvier 2010.

Le cinéaste est effaré en voyant seulement 20 figurants se pointer pour le tournage d’une scène, là où 500 étaient prévus. Des figurants russes qui plus est, vêtus de costumes indignes d’un cosplayer, et qui se plaignent déjà de ne pas avoir été payés depuis des semaines…

Plusieurs actrices occidentales sont pressenties pour le rôle-titre, dont Monica Bellucci et Sharon Stone, avant que celui-ci ne soit incarné par Olga Kurylenko, qui avait tourné avec Daniel Craig dans Quantum of Solace, et sera payée 1 million de dollars. Mais la comédienne ne pourra rien faire pour sauver Empire of The Deep de la noyade intégrale…

Le tournage commence avant même que le script ne soit achevé. Un script qui sera accouché dans la plus grande des douleurs d’ailleurs, avec pas moins de 40 versions différentes… Un premier trailer 3D est pourtant montré en avril 2010 durant une conférence de presse à Pékin, avec la comédienne.

En octobre 2012, de nouvelles images apparaissent, où les effets numériques sont sensiblement meilleurs. Mais pour des effets visuels qui avaient la prétention de se hisser au niveau de ceux d’Avatar, il faudra repasser…

Recherche distributeur désespérément

En 2014, Jiang engage le monteur fétiche de Steven Spielberg, Michael Khan, pour s’occuper de son film. Cherchant désespérément un distributeur aux Etats-Unis, Jiang voit ses espoirs anéantis peu après une simili projection dans les bureaux de Sony Pictures à Los Angeles. Entre effets spéciaux inachevés et une intrigue cousue de fils blancs, c’est un désastre. Au point que des reshoots de certaines scènes sont programmés en urgence.

En janvier 2016, une autre bande-annonce du film, avec de meilleurs CGI, est publiée sur un site de crowdfunding. Les producteurs demandent alors 1 million de Yuans (soit l’équivalent de 126.800€ aujourd’hui) pour aider à boucler le film, avec une date de sortie désormais fixée en avril 2016. Inutile de dire que cet appel aux fonds participatifs n’a jamais atteint son but…

Bilan des courses : un projet qui s’est douloureusement étalé sur près de six années interminables, 130 millions de dollars partis en fumée, aucun distributeur, des acteurs et actrices qui ont quitté le navire en plein milieu parce qu’ils n’ont jamais été payés…

Et un film toujours invisible, probablement condamné à rester dans les abysses du cinéma pour l’éternité.